Leland D. Abberline - Blinded by love [Terminée]

L'enfance de Leland avait été des plus banales : né dans les beaux quartiers de Londres, aîné d'une fratrie de trois garçons, il fut élevé avec autant d'amour que de sévérité, de façon à devenir un bon citoyen et à avoir toutes les chances de réussir, aussi bien professionnellement que personnellement. Son père était le propriétaire d'un grand restaurant étoilé, au sein duquel sa mère travaillait en tant que chef cuisinière. Même s'ils étaient souvent débordés, Mr et Mrs Abberline trouvaient toujours le temps de s'occuper de leurs fils et Leland ne s'est jamais senti négligé au profit du travail ou de ses petits frères. En somme, une enfance heureuse, avec plus de hauts que de bas, le genre d'histoires qui ne sont guère intéressantes et qui ne feraient jamais l'objet de livres ou de films. Mais c'était bel et bien sa jeunesse et Leland en garde des souvenirs profondément émus. A l'époque, il se rêvait cuisinier, comme sa mère, tandis que ses deux petits frères s'imaginaient respectivement astronaute et pompier. Des rêves banals, pour des gens banals...
Leland n'était pas un écolier brillant. Il était suffisamment intelligent pour avoir des notes correctes, mais il ne travaillait pas assez pour aller au-delà. Cela lui convenait. A l'école, de toute façon, il préférait largement s'amuser avec ses amis plutôt que de réellement étudier...
A ses treize ans, il accéda au prestigieux collège d'Eton, sa scolarité étant financée intégralement par ses parents, n'ayant pas eu d'assez bons résultats aux examens qu'il avait passé pour prétendre faire partie des "boursiers du roi". Son adolescence fut tout aussi banale et insouciante que son enfance et ce jusqu'à ses 16 ans. Une minute avait suffi pour faire basculer son existence, au détour d'un stupide accident de voiture qui lui avait fait perdre la vue. Aveugle jusqu'à la fin de ses jours...
A l'étonnement de tous, pourtant, Leland ne perdit pas son sourire et se montra d'une motivation et d'une énergie surprenantes. Il avait tout à réapprendre et, pourtant, le challenge ne semblait pas l'effrayer. Jamais ils ne le virent pleurer ou se plaindre... Parce qu'il réservait ses faiblesses à ses rares moments de solitude. Parce qu'il ne supportait pas l'idée qu'on puisse le voir ainsi. Parce qu'il voulait redonner le sourire à ses parents et à ses frères. Le temps d'adaptation fut plutôt long, mais il put finalement revenir à Eton, en pleine possession de ses moyens, capable de poursuivre ses études. Il décrocha son diplôme avec succès, avant de s'interroger sur son avenir, une question à laquelle il continuait de chercher réponse depuis son accident. Travailler dans la cuisine du restaurant de ses parents, comme il l'escomptait au départ, risquait d'apporter des complications. Leland voulait d'abord être sûr de lui, en tant que cuisinier, avant d'intégrer un restaurant : il s'exerça donc à domicile, s'améliorant jour après jour, réalisant les difficultés que sa cécité pouvait lui causer dans ce domaine et le manque de pertinence de nombreux livres de recettes : "Faire revenir les oignons jusqu'à ce qu'ils soient dorés" ? Et comment était-il supposé savoir qu'ils étaient dorés, justement ? Par magie ? Leland ne voulait se reposer sur personne en cuisinant et ce genre d'indications le rendait dépendant, une sensation qu'il détestait...
Ce fut après avoir vécu nombre de ces expériences qu'il décida d'écrire son propre livres de recettes, adapté, simplifié. A son plus grand étonnement, le livre se vendit comme des petits pains et, à vingt-deux ans, Leland acquit une célébrité qu'il n'avait jamais réellement cherché. Interviews, entretiens sur des plateaux télé... C'était un monde auquel il s'habitua tant bien que mal. Qu'on le reconnaisse dans la rue avait également quelque chose de perturbant. Mais jamais Leland n'a regretté cette notoriété... Car elle lui a permis de rencontrer Beth...  





© _Viviie.