Emily Fitzgerald † Melancholia

C'est par un après midi d'hiver, le 3 février 1982, que je naquis dans la souffrance et les cris. Je vins  au monde après de longues et pénibles heures durant lesquelles ma pauvre mère avait souffert le martyr, endurant la douleur jusqu'à son dernier souffle. Elle m'avait donner la vie en échange de la sienne. A peine avait-elle put me tenir dans ses bras que la pauvre femme rendit l’âme, sous le regard affolé de mon père. Évidement, je ne garde aucun souvenir de ma mère, seulement les éloges que mon père faisaient à son sujet. Il ventait sa beauté et son esprit dont j'avais hérités, selon lui. Je fus donc élevée en majeure partie par ma tendre nourrice Ophélie, une jeune femme d'origine française que mon père avait embaucher afin de s'occuper de moi lors de ses nombreuses absences. Elle me donna tout l'amour dont j'avais besoin et m'initia à la merveilleuse langue qu'était le français si bien que je devins bilingue à l'age de 15 ans. Je suivie de brillantes études et accéda sans la moindre difficulté à l'université la plus réputée de Londres en me spécialisant pour la Littérature française. La vie me promettait un avenir des plus radieux. J'étais douce, belle, intelligente et cultivée, l'on m'aurait donné le bon Dieu sans confession Tous les garçons étaient à mes pieds et de nombreux prétendants venaient demander ma main, en vain. J'aurais pus être la plus heureuse des femmes, enviée de tous. Mais le destin en n'avait décidé autrement.

Lors de ma deuxième année d'étude, mon chemin croisa celui de l'homme qui deviendrait mon époux à jamais. Hadès Fitzgerald. Ce grand blond à la figure charmante et au regard profond dont je tomba follement amoureuse. J'aurais du me méfier de ce nom. Mais je n'écoutais que mon cœur en dépit de la raison et me donna à lui, toute entière, sans me douter un seul instant que je venais de vendre mon âme au diable en personne. Après la fin de nos études, Hadès demanda ma main et nous nous marièrent peu de temps après. Ce fut le plus beau jour de toute ma triste existence. Malheureusement, mon père n'approuvait guère mon union à cet homme. Il trouvait malsain l'emprise qu'Hadès avait sur moi et tenta plusieurs fois de me faire renoncer à lui. C'était trop tard, le mal était fait. Le pauvre homme décéda quelques mois après notre mariage, de la tuberculose. Je me retrouvais donc orpheline, sans autre famille que mon mari. J'étais sienne. Dévouée corps et âme. J'étais sa femme, son objet, sa chose. Il disposait de moi à son bon plaisir, abusait de mon corps et usait de mon esprit. La femme indépendante et sur d'elle que j'étais jadis finit par disparaître peu à peu. Je lui étais totalement soumise, obéissant à ses moindres paroles, cédant à toutes ses envies. Mais il finit par se lasser de moi. Me délaissa pour d'autres femmes. Il rentrai chaque soir un peu plus tard. Je passais mes soirées à lire et à pleurer, j'attendais avec la plus grande ferveur qu'il rentre pour visiter ma couche. J'étais rongée par la jalousie. J'aurais du partir loin de lui mais j’étais devenue dépendante de lui. L'amour m'aveuglait. Malgré toute la souffrance qu'il m'infligeait, je lui restait fidèle et dévouée.
Au bout de cinq années de mariage, je donnais naissance à notre première fille, Thalia, suivie par sa sœur Andréa ainsi que la petite dernière, Keziah. Ces trois petits anges étaient le plus précieux cadeau que m'avais fait mon tendre mari. Mais il fallait croire que mon utérus était maudit, chacune de nos filles avait contracté un trouble mental incurable. Je me suis toujours rendue responsable du maltraite de mes filles et c'est pourquoi je les ai toujours protégées. Avec moi, elle ne manquait de rien, choyées et aimées, à l'inverse de leur père qui ne montrait aucun signe d'affection à leur égard. Elles aussi furent brisées par lui.
Enfin, le jour funeste arriva. Hadès, retrouvé mort dans l’hôtel de sa mère où nous nous étions installés. J'étais inconsolable. Je venais de perdre le seul homme que j'avais aimé mais j'étais libérée de son emprise perverse. Malheureusement pour moi, je lui appartenais toujours et c'est pourquoi je me donna la mort dans l'espoir de le retrouver dans l'autre monde. Naïve que j'étais. J'ignorais que ne trouverais jamais le repos dans ce lieu démoniaque et que je serais prisonnière de ses murs pour l'éternité.

J'ai trouvé en la mort l'éternel jeunesse ainsi que la richesse et le luxe dont j'avais toujours rêvé, liée à l'homme que j'aime à jamais. La folie et ce qu'on appelait à l'époque mélancolie vinrent s'emparer de moi, me laissant vivre, si l'on peut appeler cela une vie, dans l'angoisse et la peur. Mon mari est toujours aussi dominant et volage mais cette fois, je compte bien faire de même. La soif de vengeance m'a poussée à chercher du réconfort dans les bras d'un autre être. Homme ou femme, mort ou vivant, personne n'ai au courant de ma mystérieuse liaison secrète, surtout pas mon mari. Je n'ose m'imaginer sa réaction si il venait à l'apprendre. J'y retrouve l'amour et la tendresse qu'Hadès n'a jamais sut me donner. Cependant, je reste sienne, dans la vie comme dans la  mort.