The tree of life (+) Anja

Je n'étais plus capable de rien. Une putain de grosse baleine, incapable de se lever toute seule, incapable de se redresser du côté droit ou du côté gauche. Même attraper quelque chose à l'autre bout du lit était difficile. Le bébé cognait, il tapait, il se plaignait et m'empêchait de faire ce que je voulais. Un putain d'emmerdeur tout comme sa mère. Je jouais avec mes cheveux coupés en carré. Ca aussi c'était difficile à faire. Tout était difficile à faire. J'en avais assez d'être enceinte, j'en avais d'être dépendante de la volonté d'un mioche pas encore né. Alors, pour m'occuper, je lisais. J'y arrivais enfin. Certes, je lisais des livres pour enfants, mais j'étais désormais capable de lire une histoire à mon enfant. A mon futur enfant. T'es tellement pathétique Charlotte. Bouges tes fesses et va te taper le premier venu. Je fronce les sourcils et jette le livre à travers la chambre. Cette voix, cette voix obscure, cruelle, sans pitié est toujours là, toujours là pour me faire perdre mes repères, toujours là pour me torturer alors que j'essaye de remonter à la surface. Tu essayes de remonter à la surface, car au fond, cet enfant, tu l'aimes. Tu l'aimes comme une mère qui aime son fils. Comme quelqu'un d'humain. Mais tu n'es pas humaine Charlie. Tu n'es qu'une abomination. Le résultat d'un viol entre un fantôme et une psychopathe. Je fronçais les sourcils et tapais contre le lit.
Mais soudainement, une crampe. Non pas une crampe, une contraction. Et la douleur, une douleur affreuse. Quelques secondes après, je baignais dans une flaque d'eau. Mon eau. J'avais perdu les eaux. Je poussais un cri d'horreur et tentais de me lever. Mais mon corps frêle ne supportait pas le poids de mon ventre, le poids du bébé. Je me mis à hurler. A hurler pour que quelqu'un m'entende. Personne ne vint. Alors je finis par atteindre la porte et je croisais quelqu'un.  « Appelle moi Anja. Chambre 105  » Et je me mis à souffler tandis que l'inconnu allait chercher Anja. J'avais si mal. Aucune douleur n'était comparable à celle là. J'allais devenir mère, et j'avais besoin d'une mère pour m'aider à réussir la première étape : l'accouchement. Je m'allongeais sur le dos. Je n'essayais même pas de me relever, j'en étais incapable, j'étais comme les Sumos, je ne savais pas me relever. Je soufflais, et tentais de ne pas hurler, tentais de ne pas craquer. Mais je me mis à émir un son étrange. Quel était cette sensation? Celle qui bloque votre respiration, et fait jaillir de vos yeux de l'eau. Des larmes. Je pleurais. Pour la première fois de ma vie, je pleurais. Je regardais autour de moi, il fallait que je trouve quelque chose pour m'aider, mais je n'avais aucune idée de ce qui pouvait m'aider. De la drogue peut-être. Je n'avais pas de drogue. Un pote d'Anja en avait. Lloyd. Lloyd en avait. Je devais trouver Lloyd. Je n'avais aucune idée de où il se trouvait. Et soudain Anja entra. Je tendais la main vers elle, j'avais besoin qu'elle m'aide, qu'elle me soutienne dans cette épreuve que je n'étais pas prête à affronter. J'avais besoin d'elle, j'avais besoin de quelqu'un qui puisse se mettre à ma place. Je m'agrippais à ses doigts, les entourant de mes deux mains et l'attirais à moi en hurlant : « Anja! J'ai maaaal! » Les larmes continuaient de couler, je ne me pensais pas capable de tant d'émotion. C'était la douleur, et surtout la peur. La sueur perlait sur mon front, collait mon tee-shirt à mon dos. Je me sentais me vider, de tout ce que je possédais. Mais ce que je voulais avant tout, c'était mettre au monde mon enfant.