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LA FUGUE

Un dix-neuf décembre, dans un hôpital sans grand intérêt, deux cris ont été poussés. Le premier, celui d’une femme, pleine de sueur et rouge écarlate, tentant de faire sortir de son corps la chose qui avait grandit dans son corps pendant les neuf mois de grossesse. Le deuxième, la chose en question qui venait pour la première fois de sa vie de remplir ses poumons d’air provoquant alors une affreuse douleur dans son petit organisme neuf. C’était un garçon. On coupa le dernier lien qui reliait le bébé à la mère et on le posa sur sa poitrine. Ce garçon, c’était toi. Hunter. Tes parents avaient versé des larmes ce jour là. Ta mère parce qu’elle était heureuse de t’avoir, ton père, qui prétendait que c’était pour les mêmes raisons, pleurait surtout à cause du fait que tu allais couter de l’argent à la maison. Ah l’argent, un terme récurrent dans ta famille. Comment allait-il réussir à nourrir ce petit être alors qu’il avait déjà du mal à nourrir sa propre femme ? Non pas que ta mère était une grande mangeuse, mais qu’elle était incapable de travailler. Personne ne voulait d’elle. C’était une discrimination envers sa tare mentale, c’est vrai, mais il ne pouvait rien y faire, la société était ainsi.

Plus tard dans la soirée, lorsque ta mère et toi dormiez, il est allé chercher un médecin et l’avait attiré dans un coin pour lui parler en privé.  Ce qu’il voulait savoir, c’était si , toi aussi, tu serais un fardeau pour lui. Non pas que ta mère en ait vraiment été un, étant donné l’amour qu’il lui portait, mais sa maladie était bien trop encombrante à certaines périodes. Le praticien l’avait alors rassuré, lui affirmant que pour l’instant, aux vues des résultats des analyses, tu étais un bébé en parfaite santé et tout à fait normal. Quel soulagement c’était pour ton père ! Ainsi il pouvait espérer que lorsque tu auras l’âge, tu pourras l’aider à entretenir le foyer familial, à aspirer à une vie bien meilleure que celle que vous aviez. En un sens, il n’avait pas tout à fait tort, mais je m’étalerai sur le sujet plus tard.

Tu vivais alors dans un quartier malfamé de Londres. Tu avais cinq ans lorsque tu te fis pour la première fois de vrais amis. Je ne me rappel plus exactement de leurs prénoms ou même de leurs noms, mais tu t’amusais bien. Malgré les difficultés financières qui rodaient autour de la famille Robinson, tu étais heureux. Une preuve encore que l’argent ne fait pas le bonheur. Cependant il faut avouer qu’il y contribue. Certes vous étiez pauvres mais tes parents avaient les moyens de t’offrir quelques joies de temps à autres. Ce qui s’atténua le trois mars 1997, lorsqu’à nouveau ta mère se retrouvait sur la table de travail, le visage rouge écarlate et le corps inondé d’une sueur de fatigue. Le travail avait été long, compliqué et dure pour elle, mais enfin un nouvel être s’était ajouté à la grande chaine de la vie. Cette fois c’était une fille, une petite demoiselle que tes parents avaient appelé Amber. Tu ne sais pas pourquoi, peut être parce qu’ils trouvaient ça joli, ou bien en l’honneur de quelqu’un, en fait tu t’en fous.

Amber, tu ne l’aimais pas beaucoup au début. A cause d’elle, tes parents ne s’intéressaient plus à toi. A cause d’elle, tu n’avais plus ce que tu voulais. Tu rejetais ta colère sur tes amis à l’école si bien que tu te retrouvais seul. Tu devenais violent, tu te faisais renvoyer des écoles et tes parents devaient t’en changer. Pourquoi faisais-tu cela ? Pour attirer leur attention, pour qu’ils te remarquent à nouveau et qu’ils t’aiment encore. Lorsque tu avais atteint les treize ans, tu étais devenu plus sage, Amber était devenue ta seule et véritable amie et c’était réciproque. Vous faisiez les quatre cents coups tous les deux, au plus grand désespoirs de vos parents parfois. Ta mère s’était mise à faire des confitures. Tu l’aidais à les faire car sinon jamais elle ne pourrait les vendre, étant beaucoup trop rapidement distraite par n’importe quel bruit alentour. La vie avait repris son cours, tout était bien. Elle n’avait rien d’extraordinaire mais tu t’en moquais.

Tout a commencé à se gâter lorsque tu t’approchais de tes seize ans. Crise de l’adolescence, remise en cause de soi même et de l’autorité des parents. Tu ne supportais plus de voir tes amis avec les dernières technologies à la mode, tu ne supportais plus ta vie de pauvre. Tu aspirais à de nouvelles richesses que tes parents ne pouvaient pas t’offrir. Ton père essayait en vain de te faire comprendre qu’en te concentrant sur tes études à l’école tu pourras réussir à atteindre tes objectifs mais même si tu excellais dans toutes les matières, ça ne t’intéressait pas.  Tu voulais partir de cette maison qui t’étouffait, pleine d’objet d’occasion, pour trouver un palace rempli de nouveautés. Un jour, qu’une dispute avec ton père avait explosé au diner encore une fois, ta mère s’était mise à pleurer. C’était une première. Peut être avait-elle compris la gravité de la situation avant même que tu ne t’en rendes compte ? Tu ne saurais dire, tu étais bien trop occupé à répondre à ton père que « Jamais je ne serais comme toi, un pauvre ouvrier qui souffre pour gagner sa vie ! Tu me dis de faire des études, mais à quoi ça sert alors que même toi tu n’arrives pas à trouver quelqu’un pour t’embaucher avec ton diplôme ! » A cela il t’avait répondu une réplique cinglant, clamant qu’il avait fait des erreurs mais que ce n’était pas grave car « La seule richesse que tu peux espérer avoir un jour est l’amour, ne te focalise pas sur l’argent et vices tu n’en seras que déçu. » C’était là que tu avais crier. Crier haut et fort que tu ne voulais pas d’amour, de relations ou même de … famille. Un silence avait alors pesé dans la pièce. Ta sœur, qui avait été obligée de rentrer dans sa chambre, était sortie discrètement pour essayer de comprendre la situation. Ton père a mis un peu de temps pour répondre et à finalement clamer : « Si notre vie ne te plait pas, pars. » Tu l’avais regardé avec de grands yeux, cherchant de comprendre s’il était sincère ou bien juste en colère mais tu obtins vite ta réponse. « PARS ! » Jamais ton père n’avait haussé le ton de la sorte. Alors tu compris qu’il en avait assez de toi. Tu étais parti dans ta chambre, attrapé un sac, pris quelques affaires, tes économies. Lorsque tu allais traverser la porte, tu avais entendu ta sœur murmurer ton prénom, mais tu ne t’étais pas retourner. Aujourd’hui encore tu le regrettes.

C’est ainsi que du haut de tes seize années avait commencé ton voyage à travers le monde et à la recherche de la richesse.

L'ECHEC...

Tu n’avais pas eu de regrets à partir de chez toi. La colère qui brulait en toi était bien trop forte pour que ça ne t’affecte.  Tu marchais avec pour seul principal but : t’éloigner le plus possible de chez toi. Tu ne savais pas vraiment où est ce que tu allais, mais tu marchais jusqu’à l’épuisement. Un hôtel s’est présenté à toi, ou plutôt un motel s’est présenté à toi. Tu y es rentré, tu as payé une chambre pour une nuit. Le réceptionniste, un ivrogne qui arrivait à peine à parler n’a même prêté attention à ton âge, tu avais  de l’argent et c’était ce qui comptait. Dans quelle ville tu étais ? A combien de mètres de chez toi ? Tu ne le savais pas. Tu t’étais allongé sur le lit et seulement là, tu as pris conscience de la situation. Seul. Loin de ta famille et des seuls personnes qui ne t’ont jamais aimées. Tu leur avais tournées le dos sans même te retourner. Ta pauvre sœur qui avait essayé de te retenir, tu ne lui avais même pas accordé un seul regard.

Tu as pleuré cette nuit là. Une des seules fois où tu as versé des larmes. Tu ne le diras à personne, mais ça t’avait fait du bien. Lorsque le soleil s’était levé, tu avais pris de nouvelles résolutions. Tu allais partir à la capitale, trouver un travail et essayer de percer. Dans quoi exactement ? Tu n’en avais aucune idée. Tu étais intelligent, peut être allais-tu trouver quelque chose d’utile à faire ! Ni une ni deux tu es sorti, tu as rendu la clef et tu as attrapé le premier bus qui partait à Londres (le train étant beaucoup trop cher pour un jeune homme comme toi). Tu étais plein d’espoirs, de convictions et de rêves, c’était beau à voir… et il est triste de penser à quel point tu as brisé tes ailes sur les beaux immeubles de la City.

Ta stratégie ? Tu n’en avais pas vraiment. Et c’est lorsque tu es arrivé devant les grands bâtiments de Londres que tu t’en aies rendu compte. Tu n’avais aucun qualificatif, aucun diplôme, rien. Tu tentais néanmoins ta chance, entrant dans des immeubles, demandant un rendez-vous, mais personne ne t’acceptait. Tu as donc dû te résigner à te trouver un  petit job de serveur sans aucune importance « en attendant » . Mais en attendant quoi ? La chance ? Peut être bien. Tu t’étais inscrit à des cours du soirs, peu chers qui te permettraient au final d’obtenir un diplôme d’ici quelques temps et d’essayer aspirer à un travail meilleur. Cela n’était pas encore simple. Essayer d’associer ton petit boulot, allant de huit heures du matin jusqu’à huit heures du soit, avec tes études, allant de huit heures du soir jusqu’à parfois minuit, tout dépendait du professeur. C’était l’enfer. Tu avais trouvé un appartement, ou plutôt un toit, qui te permettait de rester à l’abri de la pluie. Je ne dirais pas à l’abri du froid  car le chauffage ne fonctionnait plus si bien que tu étais souvent malade ou bien tu restais emmitouflé dans ton écharpe et ton manteau.

Agé de dix-huit ans, tu avais ton diplôme. Il t’avait  fallu deux ans pour l’obtenir, la première fois n’ayant pas pu passer l’examen à cause d’une bronchite trop douloureuse. Tu étais heureux. Tu n’avais pas fêté cela car tu étais seul. Tu ne parlais à personne et restais toujours dans ton coin si bien que tu n’avais pas vraiment d’amis avec qui parler. Ou bien si, il y avait cette dame –je ne me rappelle plus de son nom mais on l’appellera Mme Hasting pour la suite de l’histoire-  qui te prenait pour son fils et n’arrêtait pas de te parler, de demander de tes nouvelles. Tu lui répondais poliment car « le client est roi » . Mais elle était morte il y  avait quelques mois d’une crise cardiaque, il fallait dire qu’elle n’était pas vraiment jeune. Plein de courage et de fierté, tu avais attrapé ton téléphone et avait appelé. Tu avais appelé à toutes les entreprises qui désiraient embaucher. Mais ton diplôme n’était pas issu d’une grande école, si bien qu’on te ferma toutes les portes.

Tu n’avais plus aucun espoir, tu avais même finis par abandonner, te résignant à ta pitoyable vie de serveur dans ce diner pittoresque de Londres. Tu étais né pauvre et tu allais mourir pauvre, c’était ce qui te traversait à l’esprit chaque matin en te réveillant. Cependant, il est vrai qu’au fond de toi gisait l’espoir que le vent tourne et que ta vie reprenne de l’ampleur.

...EST LE FONDEMENT DE LA REUSSITE

Il s’appelait George Hasting. Vous l’aurez compris, il y avait un rapport avec cette pauvre dame qui était décédée quelques années plus tôt. C’était son petit fils. Âgé de trente quatre ans, il était déjà bien élevé dans les échelons de la bourse. Un boursier, en effet, toujours à la recherche d’arnaque et d’argent. Il était riche, marié trois fois déjà à des femmes qu’il ne prenait que pour leur corps et elles que pour son argent. Il n’était pas porté sur les sentiments, pour lui les femmes n’étaient que des objets et l’argent faisait le bonheur. Il se baladait souvent dans la grande ville, sourire aux lèvres et fière de ce qu’il était. Il n’avait pas d’amis car personne ne l’appréciait mais ça c’était le cadet de ses soucis. Sa famille, il s’en moquait, il n’y avait que lui : le centre du monde.

Un jour qu’il pleuvait et qu’il marchait dans la rue, il s’était réfugié dans un petit restaurant de bas étage le temps que la météo se calme. Ce n’était pas dans ses habitudes de fréquenter de tels établissement, mais tant pis, ce ne sera l’affaire que de quelques minutes. Il s’était assis à une table et avait commandé un café. On le lui avait apporté et il n’avait même pas osé y toucher tellement sa couleur était inquiétante. Une télé était allumée sur la chaine du journal télé. La présentatrice commençait à énoncer un reportage stipulant que encore une fois, la bourse n’était pas en bon état, que rien n’allait plus avec l’argent. C’était la crise et ça, George le savait. Il avait eu du mal ces derniers temps à gagner beaucoup d’argent avec son métier, mais fort heureusement pour lui il avait réussi à l’investir de-ci de-là en précaution d’un jour pareil.  Un jeune serveur, adossé au bar, discutait avec un vieil homme de cette crise. « Pour moi, il y a encore de l’espoir. Il suffirait de faire les bons placements aux bons endroits et le tour serait joué. » Le vieillard avait ris à son nez, lui disant qu’il était bien trop rêveur et que ça ne se passait pas comme cela. Néanmoins, même si George pensait pareil, il ne pouvait s’empêcher de se rappeler que lui aussi il avait tenu le même discours en ses débuts. Il avait donc appelé le serveur, qui pensait devoir le servir et il en fut bien étonné lorsqu’il se rendit compte que George ne voulait parler que de : travail.

Vous avez parlé pendant un petit moment mais tu as du demander à cet homme de s’arrêter, lui expliquant que si tu continuais tu risquais de perdre ton travail. Il t’avait donc compris et donné sa carte. Tu l’avais prise et rangée dans ta poche. Tu ne savais pas vraiment ce que tu allais en faire mais une petite voix dans ta tête te disait que ta vie allait bientôt changer. Et elle avait bien raison.

A vingt heures, lorsque ton service fut terminé, tu étais rentré presque en courant chez toi. Tu avais décroché ton téléphone et appuyé sur les boutons. Une messagerie t’accueilli. Evidemment, à cette heure de la nuit personne ne pouvait répondre. Tu avais laissé un message, indiquant à ce Mr Hasting que tu étais libre demain pour parler avec lui et que tu lui donnerai rendez vous dans le parc près de ton lieu de travail à quatorze heures. Tu ne savais pas s’il  allait venir, mais tu avais essayé. Ce soir là, tu n’avais pas dormi, bien trop angoissé de ce rendez vous inattendu. Qu’allait-il te demander ? Que te voulait cet homme ? Un homme de sa classe… peut être voulait-il t’offrir un travail ? Tu l’espérais beaucoup.

Et est venu le fameux rendez vous. Tu l’as attendu dans le froid et il est arrivé. Tu lui as serré sa main, une poigne sûre et forte d’un homme riche. Il t’a expliqué ce qu’il voulait de toi, qu’il avait entendu tes paroles hier et que tu lui avais rappelé sa propre jeunesse. « Je souhaiterais vous former Mr Robinson, pour que vous deveniez boursier, tout comme moi » Alors ton cœur avait presque manquer un battement. Un travail, un vrai travail. Tu avais accepté son offre et tu l’avais suivi dans ses affaires. Il t’avait appris le béaba de la bourse et tout ce qu’il te fallait savoir pour réussir dans ce domaine. Et c’est ainsi qu’en 2009 tu entrais sur le marché du travail en tant que Alistair Robinson. Tu avais abandonné ton prénom de naissance pour oublier ta famille et ton passé avec elle. Désormais, tu étais Alistair et non plus Hunter.

Le seize juin deux mille dix, tu avais gagné ton premier million. Etonnant en tant de crise, mais George était un bon mentor et il connaissait absolument tous les bons plans pour gagner de l’argent, même si ce n’était parfois pas très légal. Tu t’en moquais, seul l’argent t’intéressait. Tu étais donc heureux, abandonnant ton vieux taudis pour un appartement grand luxe, recevant tous les soirs des call girls afin d’assouvir tes pulsions sexuels. Tu faisais la fête tout le temps, tu avais atteint tes objectifs et il n’y avait rien d’autre à demander.

Cependant… ton bonheur n’était pas acceptable, il ne fallait pas qu’il dure.