Verity • Trust me a lie is just a verity we can really accept

Promets-moi que tu ne m'oublieras pas !

Un soleil de flamme embrasait les mèches rousses de l’enfant qui courait dans l’herbe grasse. Reflet verts et orange se mêlèrent lorsque Verity s’écroula sur le tapis végétal, un rire suspendu au coin des lèvres. Assise dans son fauteuil sa mère l’observa, prunelles obsidiennes qui ne quittaient pas des yeux la jeune fille d’à peine six ans. C’était une journée presque banale et les tuyaux qui couraient sous le nez de Mme Honor semblaient avoir disparu derrière l’aura lumineuse de l’enfant. La candeur d’un rire avait l’espace d’un instant asséché l’humidité d’une larme. Personne ne remarqua se nuage qui éclipsa un instant l’amant de la lune, a aucune moment on ne fit attention à cette ombre soudaine qui s’étala dans la chevelure de Verity, volant alors son éclat chaleureux.

Les murs blancs, immaculés semblait couvert de sang alors que courait les médecins à travers le couloir, marmonnant des codes que la jeune enfant ne comprenait pas. Le son cristallin avait été remplacé par d’épaisses gouttes de mer qui venaient s’emmêler dans les cils, les cheveux et les lèvres de Verity. Alors que le silence envahissait l’esprit de l’enfant, les cris, le deuil, la perte de l’être cher résonnaient tout autour. Le vert des prunelles de l’homme qui l’avait élevé, la force d’un père s’éteignirent en même temps que le cœur affaibli d’une femme qu’on ne pourrait remplacer.

Quelques tambourinements sur une porte et un marmonnement qui l’invita à entrer. Effrayé, Verity passa l’épaisse protection de bois derrière laquelle se dissimulait, enlacé dans vapeurs et émanations d’alcool, l’ombre d’un père perdu. C’est d’abord l’odeur, violente, acre qui la saisit, puis cette fumée épaisse et étouffante qui vient la capturer. Verity, alors âgée de dix ans, ne prêta guère attention à la bouteille renversée sur le sol, elle s’avança jusque la fenêtre et tira les rideaux, laissant pénétrer la lumière du jour dans l’obscure pièce. Quelques cris, des invectives sévères et le claquement brusque d’une main contre un visage, des larmes encore et toujours qui vinrent se mêler à une flaque de whisky dont émanait fragrance de déchéance. Verity s’enfuit claquant la porte derrière elle, une marque sur le visage et des yeux pour pleurer.

Du noir, encore et toujours du noir, ébloui par une chevelure presque indécente au milieu de ce cortège de corbeau. Le prêtre prononça quelques paroles bienveillantes, la promesse de retrouvaille dans un monde à part. Mais jamais il ne parla de la peur qui avait saisit Verity jusque ses quatorze ans, de la faiblesse de l’homme face à l’amour et de la cruauté de dieu de vous arraché à la fois mère et père. Verity s’approcha du hameau de terre, une rose entre les doigts, une épine lui écorchant la peau, elle se pencha mêla le rouge au noir et en guise d’adieu prononça quelques mot :

Souviens toi cet été là

Une allée de casiers et de moqueries, une cigarette coincée entre les lèvres, Verity passe au travers ignorant les insultes, ignorant les rires, ignorant leur bêtise. La fumée s’envole en épaisses volutes autour d’elle, laissant apercevoir une seconde durant une auréole autour de la chevelure embrasée. La jeune fille se perd alors sur les marches d’un lycée qu’elle déteste, un carnet entre les mains pour exprimer dans les mots qu’elle ne peut prononcer, haine, tristesse et violence. Dans l’encre qui s’étale elle tente d’oublier les familles qui s’enchaînent, les peurs qui l’étreignent et le temps qui passent, chaque jour la blessant d’avantage.

Allongé sur le sol, le regard perdu dans le baldaquin céleste, Verity a arrêter de pensée, son esprit s’emmêle dans les doigts délicats de quelques paradis artificielle, elle efface son visage de son esprit, le transforme en couleurs vives puis plus sombres, chaudes et froides.


Une seizième année entre drogues et sexes, violences et échec scolaire, Verity se perd, elle s’éloigne d’un monde qu’elle aurait rêvé, remplace espoir et avenir par artifice et faux semblant. Elle s’évade, s’enfuit et  se sent libre, choisit la rue comme chambre et un morceau de trottoir comme lit. Sous la lumière des étoiles Verity attrape une lettre dans son sac, quelques mots, un cadeau pour son dix-septième anniversaire, une énième lettre écrite par une mère disparue. Peu importe elle l’ouvre, le papier se déchire et les mots défilent sous ses yeux. Les larmes viennent détremper le papier, effacer les lettres qui s’étalent pour ne former plus que d’épaisses tâches d’encre. Verity attrape un briquet, une cigarette, son sac. Au milieu de la nuit une flamme s’envole aux cieux, les derniers mots d’une mère. La jeune fille observe le feu dévorer la lettre et dans un murmure lance :

Je te promet l'avenir !

Ce fut les petits boulots, se débrouiller seule, s’aider seulement de soi, serveuse, puis vendeuse ou encore femme de ménage. Habitée par une force nouvelle, mais traînant les cicatrices du passé Verity met de l’argent de côté pour enfin réaliser un rêve, une école de journalisme. En une année seulement elle a réussi à échapper à une vie de délires et de vices pour plonger corps et âmes dans l’acharnement du travail. Elle sait qu’elle peut y arriver, elle sait qu’elle aura les moyens de payer.

Vingt-et-un ans, un rêve en cours et une force nouvelle, Verity a surmonté les épreuves, une par une, oubliant l’odeur de l’alcool qui vous promet réconfort, où la sensation de la fumée qui vous remplit, vous faisant oublier que vous êtes seule et perdue. Un article, il lui faut un article, une histoire inédite, un scoop qui lui offrirait la possibilité de continuer son rêve, de perpétrer le souvenir d’une mère qu’elle a juré de ne jamais oublier. La jolie rousse arrête la voiture devant l’épaisse bâtisse, un hôtel, un peu vieilli, mais sur lequel on raconte des centaines d’histoires. Derrière les murs de pierres se cache la promesse d’un avenir réussi. Elle met pied à terre, attrape ses affaires, sonne et entre au cœur de l’hôtel Fitzerald.