My heart can't shake the feeling, they lied to us. So don't bow down when you could be rising up. Δ Young Guns.
Je suis morte et ça, j'ai toujours du mal à m'y faire. Je suis un fantôme sans vraiment trop l'être. C'est vrai quoi, ai-je l'air de Casper? Je vois bien mon reflet dans un miroir et des fois, on m'adresse même la parole. Les fantômes transparents ou tout dégueulasses d'apparence, ça ne doit être que dans les histoires pour effrayer les gamins finalement. Ce matin, j'étais toutefois décidée à sortir d'ici. Je n'allais pas camper trois siècles dans cet hôtel qui avait connu ma mort. A vrai dire, je me demandais bien où mon corps avait disparu. J'ai débarqué à l'improviste dans la chambre de ma voisine pour lui emprunter des vêtements dans sa valise. Je pense que cette fois-ci, elle ne m'a pas vu. Etant donné la tête qu'elle tirait, elle a du seulement voir un jean et un haut flotter dans les airs. C'était amusant, j'aurais pu continuer à lui foutre les jetons mais j'avais d'autres chats à fouetter. Je suis partie en trombe de l'hôtel après avoir enfilé une tenue descente. Il faisait soleil, un soleil qui réchauffait un peu les températures fraîches de ce matin. Obstinée, déterminée, j'ai marché à grande enjambées jusqu'à la fin du domaine ; c'est à dire la grille. Il n'y avait pas un rat dehors, j'ai essayé dans un premier temps d'ouvrir à la main le portail sans réussite. Vu la tronche de l'hôtel, ça m'étonnerait que ce soit électrique. J'ai laissé tomber et entrepris de grimper comme un singe agile le muret. Un jeu d'enfant pour quelqu'un qui avait toujours fait du sport dans sa jeunesse. Arrivée au sommet, je me suis laissée tomber de l'autre côté... Pour atterrir dans ce qui ressemblait au hall de l'hôtel. Face contre le parquet, je me suis redressée immédiatement, en voyant des regards curieux m'observer. Me sentant idiote sur le coup, je suis partie en courant vers l'extérieur. Pour répéter mon geste: me barrer de cet endroit. Même schéma, j'ai débarqué je ne sais comment en plein milieu du parc du domaine, puis dans ma chambre, ensuite dans la salle du petit-déjeuner et finalement dans la piscine -trop froide- extérieure. Oui, dedans. Essoufflée, agacée par la situation, trempée, je me suis assise sur le toit d'une voiture. Observant méticuleusement cette grille plus loin. Synonyme d'être un fantôme n'était pas le mot liberté? Je détestais qu'on me dicte ce que je devais faire, je détestais qu'on m'enferme contre ma volonté. C'était quoi le plan maintenant? J'ai poussé un long soupir en faisant travailler mes neurones.
>Fuck it. Fuck everything, every one. Death. Death is coming. Death is everywhere. I'm dead. I want to die again. Really. Now. Δ ✻✻✻ J'avais besoin de fric. Cette soirée organisée sans le consentement de Mary Fitzgerald m'avait ruiné. Le sang à nettoyer, les réparations. Ce gars, ce gars qui me fournissait régulièrement était venue ce matin, et m'avait donné l'équivalent de 1000 balles de beuh. Il était donc temps pour moi de retourner au parking, afin d'y attendre mes clients. Le rendez-vous habituel. Ils ne tardèrent pas à arriver, et rapidement, la somme de billets verts dans ma poche augmenta. Je pensais à Aloysius. Se souviendrait-il de ce que m'avait fait sa grand mère? Je n'en étais pas sûr. Sa mémoire sélectionnait ce dont il voulait bien se souvenir. Mais d'un autre côté, il tenait à moi, d'une manière bien différente qu'avant, et je le sentais. Ainsi, sa mémoire se souviendrait peut-être de mon corps sans vie, baignant dans une mare de sang, sous la pulsion de sa propre grand-mère. Je baissais les yeux. A vrai dire, je ne voulais pas y penser. Je devais m'occuper de Primrose, je devais conserver cette fraîcheur, cette innocence qui faisait d'elle cet être unique, et j'avais l'horrible peur que cet hôtel ne la corrompe. Je fis tomber mon sachet au sol. Je relevais la tête, m'excusais et le ramassais. Je remarquai alors une grande brune mince, elle courrait et essayait d'escalader le muret. Un sourire se dessina sur mes lèvres. Elle rêvait ou quoi? Pendant quelques minutes, je l'observais du coin de l'œil à essayer encore et encore de s'échapper de cet enfer. Mais c'était peine perdue. Elle n'était pas la seule à avoir essayé. Je l'avais fait avant elle, pendant cinq ans, tous les jours pendant une heure. Cherchant des failles. Mais je n'avais pas réussit. Il n'y avait aucun moyen. Elle finit tout de même pas s'arrêter, et vint s'asseoir sur le toit d'une voiture. Je rangeais mon sachet de drogue, et me levais avant d'avancer vers elle. « Eh Tomb Rider, y'a aucun moyen de sortir d'ici. Ca fait dix sept ans bientôt que j'y suis. ». je lui adressais un sourire triste, et sans attendre son invitation, je vins m'asseoir à côté d'elle. J'attrapais deux cigarettes, lui en tendais une et l'allumais : « Et puis, un conseil. La prochaine fois que tu essayes de t'échapper, deviens invisible, comme ça les nouveaux clients vivants ne te verront pas. ». C'était un point positif dans le fait d'être vu. Ou pas. Nous avions ce pouvoir de disparaître, de se cacher aux autres. Parfois, cela me permettait de protéger Primrose des âmes sombres de l'hôtel, sans qu'elle le sache. Et même si cela ne nous cachait pas de Mamie Pourrie, il permettait tout de même de laisser dans l'ignorence encore de nombreuses familles.
My heart can't shake the feeling, they lied to us. So don't bow down when you could be rising up. Δ Young Guns.
Je fronçais les sourcils, le regard fixé sur la grille de la propriété. J'étais si proche du but et pourtant si loin. Pourquoi les choses n'étaient pas si simples ? Il fallait toujours qu'elles soient compliquées. C'était lassant. Si seulement. Dans une autre réalité, j'aurais dû seulement ouvrir cette putain de barrière, aussi facilement que d'ouvrir la porte de ma chambre et j'aurais pu fuir d'ici. Et j'aurais fait quoi ? Em t'aurait fait quoi ? J'aurais continué mes dernières années à l'université des Beaux Arts, j'aurais peut-être laissé tomber mon job d'escort-girl parce que je valais mieux que ça et j'aurais... Je n'en savais rien ! Le léger problème dans tout ça, c'est que j'étais morte. M o r t e. Pas besoin de consacrer ses neurones pour s’imaginer un avenir. Les morts n'ont pas d'avenir. J'ai sursauté quand une fille m'a parlé. Tomb Rider ? Moi ? J'ai souri vaguement et je l'ai regardé. Peau très blanche, brunette, même genre que moi mais sûrement un plus petite (et je dis pas ça parce que je suis sur la voiture et elle le sol). Elle ne tarda pas à m'y rejoindre et en l'observant, je me suis repassée dans la tête ses dernière paroles. Dix-sept ans qu'elle essaye, vraiment ? Elle m'avait l'air un peu plus âgée que dix-sept ans et ça m'étonnerait qu'à l'âge de deux ans, il lui était possible de partir. Quelque chose clochait dans sa phrase, mais j'ai laissé tomber pour le moment. J'ai accepté sa cigarette en la remerciant d'un signe de tête. Je lui ai même laissé le droit d'allumer l'extrémité. J'ai tiré une première latte en écoutant à nouveau sa voix s’élevait entre nous. OK, tout semblait un peu plus clair. Je ne pouvais pas très longtemps rester muette. « Toi aussi, t'as clamsé ? » J'ai lâché. Charmant, je donnais une bonne première impression à une inconnue. Coinçant la cigarette entre mes doigts gauches, je lui ai tendu ma main droite pour faire les présentations formelles. « Emelie mais tu peux m'appeler Em. Et toi ? » Je suis devenue moins distance et me suis soudainement intéressée à elle. « Ça fait dix sept ans que t'es bloquée ici, alors ? Putain, c'est quoi ce délire ? Déjà le fait d'être morte, sans avoir vraiment l'air de l'être et maintenant ça... » Le genre de truc qui vous foutrait une bonne migraine. J'ai tiré sur la cigarette à plusieurs reprises, ouais autant s’embuer bien comme il faut les poumons. Au pire, je suis déjà morte.
>Fuck it. Fuck everything, every one. Death. Death is coming. Death is everywhere. I'm dead. I want to die again. Really. Now. Δ ✻✻✻ Chaque semaine, un client découvrait qu'il ne pourrait jamais retourner chez lui, qu'il ne pourrait jamais retrouver sa famille, ses proches, ses habitudes. Il découvrait que désormais, il devait se contenter de ces chambres impersonnelles et des quelques produits vendus dans les magasins de l'hôtel. Il découvrait que sa vie ne lui appartenait plus, et qu'il avait fait la plus grosse erreur de sa vie en faisant le pas de trop. Celui vers l'enfer éternel. Et lorsque j'avais été cette personne, personne n'avait été là pour m'aider. Au contraire, l'amour m'avait enfoncé dans ma tristesse, dans mon malheur. Et j'en étais morte. De chagrin. De solitude. Et je m'étais faite la promesse de faire en sorte que même dans cet hôtel sorti de la réalité, nous ne soyons jamais seul. Alors j'étais allée à la rencontre de cette jeune femme. Une de plus. Je ne le montrais pas, mais en réalité, j'étais triste qu'elle nous ai rejoint. Nous, les âmes perdues. Je tentais de me montrer amicale. L'union fait la force dit-on. Et j'y crois. Je la regarde. Elle est belle, elle a du charisme, elle a du charme. Cette femme aurait pu aller loin, elle aurait pu avoir une belle vie et inspirer tant de choses. Je soupire. Quelque part, nous avions tous un avenir. Pauvres âmes immortelles. « Ouais. J'ai trente-six ans en fait. » Un sourire se dessine sur mes lèvres. C'est ridicule. C'est ridicule de compter désormais, puisque je suis morte. Mais je le fais tout de même, car je ne dois pas oublier d'où je viens. Et puis je repensais à ce « toi aussi ». Elle aussi était donc morte, et peu de temps après son arrivée puisqu'à en juger par son comportement, elle n'était pas consciente qu'il n'y avait pas d'issue à cet endroit. Je la regarde alors qu'elle prend la parole et réponds en riant : « Dix-sept ans ouais. S'il n'y avait que ça d'étrange ici, on se porterait bien... » Malheureusement, ce n'était pas le cas. Tout se passait toujours de travers, qu'importe nos efforts, on finissait toujours par souffrir. Je coinçais soudainement ma cigarette entre mes lèvres et tendis la main à la jeune femme portant le doux prénom d'Emelie. « Prism. Et je ne crois pas avoir de surnoms. » J'eus un sourire. Je tentais de faire de l'humour. Difficile dans de telles circonstances. Mais j'avais l'agréable impression qu'Emelie n'était pas si différente de moi. A la différence qu'elle semblait plus forte. Elle semblait prendre avec nonchalance ces nouvelles. Mais je n'étais pas convaincue. Sous ses airs apaisés se cachaient très certainement une détresse émotionnelle. Comme en chacun de nous.