MAUVAIS GARÇON.

Cette petite bouille que vous voyez là c'est Gabin, mais appelle-le bébé, ma belle. Ca fait déjà soixante-neuf années que sa mère l'a mis au monde un soir d'été en 1946, à détroit, mais t'inquiète il ne fais pas mon âge. Dans son entourage, on peut trouver du vide, et des filles, beaucoup de filles. Dans sa famille, ils étaient plutôt de la classe populaire, ouais, elle était serveuse sa mère. Mais un jour, il est arrivé(e) à l'hôtel y'a cinquante-deux ans et depuis, on peut le croiser mort. Aussi, quelques personnes ont remarqué sa particularité, vous savez cette capacité qu'il a de faire craquer la libido des filles, et les claques aussi. L'autre jour, on lui a parlé de la mort et il a tout simplement dit : un regard.

CARACTERE

immature. irresponsable. dragueur. enjôleur. drôle. malin. je-m'en-foutiste. sanguin. violent. impulsif. homophobe. vieux-jeu.

RACONTE NOUS TA LIFE  

HOLA POPULACION
-j'tiens à préciser que c'est les seuls mots d'espagnol que je prononcerais- #lameufàchierenespagnol
JE VOUS APPORTE L'AMOUR

DEAD JESUS
printemps, 1960, détroit.

L'église de leur quartier se dressait devant eux. Sa mère était sur son trente-et-un avec son chapeau, et ses beaux gants. Gabin trouvait qu'elle était vraiment belle, le dimanche. C'était le jour du seigneur, qu'elle disait, fallait qu'elle fasse un effort. Surtout devant les autres femmes du quartiers. C'était déjà dur d'avoir la réputation qu'elle avait, alors fallait qu'elle fasse bonne figure. Il savait tout ce qu'elle avait enduré. Engrossée à dix-sept ans, par un soldat mort à la guerre avant qu'ils n'aient pu se marier. Elle avait été la risée de sa famille. Renié par tous, elle n'avait jamais eu la vie facile. Il ne lui restait toujours que le bon seigneur. Elle était douce comme le miel, pourtant sa mère, toujours souriante, toujours avenante. Elle sortie tremblante son paquet de cigarette de son petit sac, il lui alluma alors qu'elle se penchait pour que sa sucette à cancer touche la flamme brillante du zippo qu'il tenait entre ses grandes mains.

« C'était bien la messe, hein, mon chéri ? »
« Oui, m'man. »

Il ne savait pas trop quoi dire d'autre. Il l'écoutait Jesus, et tous ses conneries qu'il disait sur la rédemption et tout ça. Sur le paradis et l'enfer. Mais lui il comprenait pas pourquoi quelqu'un devrait choisir pour lui ce qui était bien et ce qui était mal. Il était assez grand pour savoir non ? Il y pouvait rien, lui si ce qu'il aimait c'était traîner avec sa moto, allez dans les cinémas en plein air pour embrasser les petites Clover, les jolies Madison, et les sexy Beverly. Il n'avait que quatorze ans. Mais elles lui sautaient dans les bras, même les plus vieilles. Sa mère disait que le seigneur lui avait donné ce don, celui de la beauté. Et qu'il devait être très prudent, de ne jamais en abuser, de ne jamais s'en vanter. Parce que sinon, le seigneur le punirait. Il n'y arrivait pas. Il avait beau se réciter ses principes tous les soirs, quand il voyait leurs longues jambes, les belles poitrines, il n'avait qu'à leur sourire, à leur murmurer quelques paroles et elles étaient là. Les cuisses écartés, les lèvres tremblantes lui demandant de les aimer éternellement. Il savait pas ce que c'était l'amour. Il s'en foutait lui de l'amour. Il savait que c'était mal. Qu'elles devraient rester vierge jusqu'au mariage. Alors il leur promettait toujours qu'il dirait rien, que c'était leur secret. Et il partait, sa veste en cuir sur l'épaule, sa cigarette à la bouche.  Il ne le dirait jamais à sa mère. Ça lui briserait le cœur.

« Janet, files-moi une cigarette. J'en peux plus de toutes ses conneries. J't'préviens c'est la dernière fois qu'on vient ici, tu m'entends bien. »

Garry n'était pas un homme aimable, et certainement pas distingué. Ce n'était qu'un mécanicien parlant avec un langage à faire rougir une none. C'était pas un homme bien. Mais il avait accepté d'épouser sa mère. Même si elle avait déjà un marmot. Alors elle faisait comme si elle voyait pas les traces de rouge à lèvre sur ses chemises, ni l'odeur pestilentiel de bière qu'il portait tel un parfum. Elle souriait doucement comme pour demander pardon quand il osait porter la main sur Gabin. Il était fort, Garry. Bien plus fort que lui. Il faisait pas le poids, le gamin. Alors il encaissait. Les remarques, les marques. Mais il n'en pouvait plus. Lui, il ne voulait qu'une chose partir sa bécane sur la route, et les cheveux au vent. Si, seulement, il savait qu'à peine  un jour plus tard, il s'en volerait pour ne jamais revenir, que le seigneur lui soit témoin, il aurait souris, il aurait embrassé sa mère une dernière fois, il lui aurait dit qu'elle était belle, et qu'elle méritait mieux. Mais ce jour-là, Gabin ne fit rien. Il se contenta de regarder le sol. Et de traîner les pieds jusqu'à leur appartement crasseux.

Ce soir-là, Gabin donna une bière à son beau-père. Ce soir-là, il lui donna celle de trop. Ce soir-là, Garry la frappa pour la première et dernière fois quand son crâne blond cogna contre le lavabo de la cuisine, laissant le rouge recouvrir le carrelage. Ce soir-là, ce ne fut que des cris, des coups et du sang. C'était une belle journée pourtant, une de ses chaudes journées de printemps, avec le soleil qui brillait, avec le ciel aussi bleu qu'une carte postal.

BABY LOVER
été, 1962, new jersey.

« T'es beau, Gabin, bien trop beau pour ton âge. »

Elle était là, ses doigts manucurée de long faux-ongles roses prenant doucement une clope. Elle était belle. Le temps n'avait pas totalement ravagé son visage, alors qu'elle recrachait doucement la fumée. On chuchotait doucement entre acariâtres femmes aux foyers de cette banlieue bien trop chic, qu'elle avait été la plus jolie fleur du jardin de New Haven, et que comme toutes les roses elle avait fané. Elle se laissa aller à caresser ses joues bien plus fraîches, bien plus jeunes,  que les siennes, faisant scintiller sa bague de mariage dans la lumière douce de l'été. Il était loin, elle disait. Trop occupé à être un mad men à New York pour s'intéresser à sa femme. Et lui, il était là. Ce gosse de seize ans. Il en paraissait presque dix de plus. Ou peut-être pas. Elle ne savait pas vraiment. C'était sûrement pour alléger sa conscience. Il n'était même pas majeur. Il n'avait que six ans de différence avec son fils aîné. Il n'était là que pour nettoyer la piscine, pas pour apaiser son âme, ni pour rassasier son corps. Pourtant elle se doutait bien, qu'elle n'était pas la seule à recevoir ses tendres attentions. Bethany Stailfield  n'arrêtait pas de faire des éloges de ses capacités, osant dire parfois qu'il avait sauvé sa piscine. Sauf, qu'elle savait très bien qu'à la manipulation de l'épuisette, il n'était pas le bon dieu descendu sur terre. Ce gamin la regardait toujours comme si elle était la plus belle femme qu'il n'ait jamais vu.  C'était sûrement pour ça qu'il plaisait autant. Il savait faire croire à chaque femme qu'elle était unique. Mais, elle n'était pas sotte. Elle n'était pas Bethany Stailfield. Elle savait qu'elle ne serait jamais la seule dans ses draps. Alors elle le regardait avec cet air de compassion mêlé à une tendresse maternelle. Elle se retourna pour déposer les cendres de sa cigarette dans l'énorme cendrier posé sur la table de chevet. Elle alla articuler difficilement un tu devrais partir, mais il était déjà debout remontant son jean levis troué, et enfilant son marcel blanc, avant de glisser sa veste en cuir sur ses épaules.

« C'est bon, m'dame, j'y vais. Y'a encore des feuilles dans v'tre piscine, et faudrait pas qu'votre mari pense qu'j'suis payé à rien faire. »

Il avait tout d'une rock star, d'un Elvis en puissance. Elle adorait ça. Elle sortit son porte-monnaie du tiroir, lui tendant un billet de dix dollar entre ses deux doigts. Elle avait l'impression de les lui devoir. Que c'était le strict minimum pour tout ce qui lui apportait.

« Non, m'dame, c'est trop. Vous d'vriez pas. »

Dix dollars c'était une fortune de quoi s'acheter une bouteille de whisky et au moins trois paquet de cigarette. Elle secoua sa main, insistant pour qu'il le prenne. Il s'avança hésitant attrapant le papier avant de l'embrasser fougueusement s'agrippant à ses fins bras dénudés, espérant lui laisser un souvenir indélébile sur les lèvres.

« A v'tre service, m'dame. Si j'mais vous'aviez encore b'soin moi, j'serais dehors. »

DEVIL'S EYES
automne, 1963, hôtel fitzgerald.

Il savait pas trop ce qu'il faisait là. Il était pas vraiment du genre à travailler ici. C'était trop fringuant, trop classieux pour lui. C'était qu'un loubard le gamin, tout sauf la carrure de l'endroit. Il comprenait pas qu'est-ce qu'une femme comme Mary Fitzgerald  avait vu en lui. De ses souvenirs, il n'avait jamais vu personne comme elle. Aussi diablement désirable, sophistiqué. Peut-être était-ce parce que Gabin n'avait jamais vu du beau monde, habitué au bas fond. C'est vrai que des petites dames de haute banlieues il en avait côtoyé, mais ce n'était pas la même chose, il en était persuadé. Madame Fitzgerald avait quelque chose d'étrange, d'envoûtant. Alors quand avec sa grosse veste cuir, ses cheveux coiffés à la Elvis, il s'était présenté devant elle, lui suppliant de lui donner un travail, il s'était trouvé misérable. Elle avait accepté, non sans hésitation, le sondant de son regard glacial comme la mort, lui souriant étrangement avant de lui dire d'aller à la lingerie prendre un uniforme.  Ce regard, ses yeux. Jamais, il ne l'oublierait. Gravé à jamais dans son âme, les préceptes de  sa mère avait jaillit dans sa mémoire. Tout ce qu'il ne put penser en sortant de la pièce était qu'un notre père. Il se mit à prier. Sans vraiment comprendre pourquoi. Prier pour son âme déjà condamnée.

⊹⊹⊹

hiver, 1963, hôtel fitzgerald.

« Alors, Sauveterre, tu te l'ais fait la blonde du troisième ? »

Igor avait encore une fois massacré la prononciation de son nom. Comme à peu près tout le monde depuis sa naissance. Gabin aurait pu en être agacé mais il ne fit qu'un sourire énigmatique laissant plané le doute sur sa relation charnelle avec la plantureuse et fort mariée cliente.

« J'mise 2 dollar. »

Quel dégaine il avait là, sa cigarette dans la bouche, ses cartes de poker dans les mains. Elvis, et Johnny, auraient fier de leur descendant.

« Allez, c'est bon, j'm'couche. »
« Pareil, tu fais chier, Sauveterre. »

Il amassa l'argent dans ses poches. C'était une jolie somme qu'il avait gagné ce soir, 20 dollars. De quoi payer sa tournée un de ses soirs au bar de l'hôtel. Pas que Gabin avait la main sur le cœur et était d'une générosité sans faille, non, simplement, il savait que si dans les prochains jours, il payait pas un verre avec ce qu'il avait gagné, ses collègues l'étrangleraient. C'était son fardeau. La croix d'un bon joueur. D'un trop bon joueur.

« C'est bon les gars, t'façon, j'dois y aller. »

Il attrapa sa veste d'un coup aisé, avant de s'engouffrer vers la sortie. Il aimait ses soirées cachées du reste du monde dans une des chambres du personnels, à moitié réaménagé. Des cadavres de bouteilles traînaient au sol, et l'air était embué d'une épaisse couche de fumé. Une vraie antre de loubard comme on n'en voit que dans les films de western. Il se demandait parfois si Igor n'était pas simplement un nostalgique de cette période pas si lointaine.  Gabin aurait pu rentré directement dans sa chambre. Il aurait pu aller se promener vers la ville voisine. Ou enfourcher sa bécane et faire ce qu'il faisait toujours, partir pour ne pas revenir. Mais elle l'attendait, assise au bar. Il traversa les couloirs sinueux du sous-sol pour enfin atterrir dans le couloir principal le menant vers sa promise. Celle qui ce soir partagerait son lit. Quand le bar se dressa devant lui, il ne put que la voir. Elle était belle, accoudé contre le comptoir, un verre de martini dans la main, une clope dans l'autre. Elle ne se retourna pas, trop occupé à rire au blague du barman. Sa robe rouge était bien trop échancré pour dire qu'elle était une dame de vertu. Ses lèvres retroussés était peinte de la même couleur éclatante. La couleur du sang. D'un coup, on le tira en arrière, et se ne fut que le noir. Avant que l’obscurité ne put prendre son âme, il n’aperçut que l'énorme batte de base-ball cogner son visage.

Tu le savais pourtant mon cœur, qu'à force de courir le lapin des autres, le chasseur te donnerait un coup de fusil.