Intrigue n°1 : Le bal costumé

Un bal. Quelle idée de faire un bal dans un cimetière géant? Dans mon esprit, le mot "bal" avait toujours représenté la finesse, l'élégance, la beauté. Mais j'avais beau me creuser l'esprit, je ne parvenais pas à ajuster ma définition à cet endroit. Néanmoins, malgré mes à priori sur cet évènement, je m'y étais rendu. Je savais que des gens que j'aimais, des gens que je croisais allait s'y rendre sans réfléchir. Tout d'abord Primrose, qui était trop naïve pour savoir qu'elle tombait dans un piège qui lui coûterait peut-être la vie. Mais aussi Aloysius, qui souffrait depuis déjà trop longtemps de la cruauté de sa grand-mère. J'avais mal au cœur pour ces gens que j'aimais, ces deux personnes vulnérables dont je me sentais la protectrice. Aloysius avait beau être mort, il était avant tout désorienté et quelque peu fou. Et je savais que la moindre petite étincelle pouvait le faire exploser. En réalité, j'avais peu qu'il devienne aussi nocif que sa grand-mère.
Je m'étais donc préparée, et avais enfilé un costume de dinosaure pour l'occasion. Je n'étais pas du genre à me vêtir des plus belles robes, à relever mes cheveux élégamment pour me faire remarquer. J'étais à prendre comme j'étais, et je n'avais pas le temps pour des futilités. Il y avait bien trop d'âmes pur à défendre et protéger. Je fus donc une des premières à arriver, habillée de ma merveilleuse combinaison, et me dirigeais tout de suite vers le bar. Je demandais un Malibu au serveur, qu'on me servit tout de suite. Mes yeux restaient braqués sur la porte d'entrée de la salle de balle, à la recherche de toutes ces petites personnes que j'aimais et donc les âmes risquaient d'être corrompues ce soir.

Le conte Dracula. Je ne savais même pas comment cette idée absurde m'était venue. Dans un endroit si sombre, si cruel, si morbide, j'avais eut l'idée de provoquer les ténèbres, et avais donc revêtit le costume de ce cher vampire qui en a fait trembler plus d'un. C'était un bal costumé après tout, et j'avais la certitude d'être en accord avec l'endroit. Je n'aimais pas cet endroit, et j'étais dans un sens, content de représenter physiquement ce que m'inspirait cet endroit.
J'avais donc quitté ma chambre sans réfléchir, et avais prit l’ascenseur. Lorsque les portes se fermèrent, je me rendis alors compte que le personne devant moi, je ne la connaissais pas. En réalité, je ne m'étais pas occupé de faire la connaissance des clients de l'hôtel. Certes, j'avais rencontré Aloysius, Charlotte, Hadès, Primrose et bien d'autres personnes, mais ces personnes étaient venues à moi, ou alors nous avait réunit. Je n'aimais pas faire connaissance. Du moins, je n'aimais plus depuis qu'Emily était morte. Le jour de notre rencontre, j'avais mit de côté ma timidité et m'étais rapproché de cette fille dont je n'avais pas tardé à tomber amoureux. Et je l'avais perdu. J'avais désormais l'intime conviction que j'étais voué à perdre chaque petit élément qui contribuerait à mon bonheur. Je n'avais plus de famille, plus d'avenir – du moins en dehors de cet hôtel -, et le cœur brisé. L'espoir m'avait quitté, l'envie aussi. Je vivais par lassitude, et non par amour de la vie. L'amour sonne comme un esprit comme un mot, rien qu'un mot. Une utopie. Un rêve. Une chose inaccessible et qui parvient à vivre qu'un temps. L'amour est éphémère. Tout comme l'espoir, la vie, et le bonheur. J'entrais donc dans la salle de bal, avec l'espoir que cette fête puisse faire renaître en moi un sentiment. N'importe lequel.

Un bal, le genre de futilité dont Alaric se passait bien en général. D'un autre côté, c'était une bonne excuse pour sortir de son trou et ne pas virer dingue dans cet enfer qui le maintenait enfermé bien au chaud dans ces couloirs comparables à des doigts crochus. Plus les jours passaient et plus l'espoir de mettre un pied hors de cet hôtel s'évaporait. Il redoutait le jour où il craquerait, où il perdrait pied pour sombrer. D'un autre côté, il avait tenu plus d'un an, ce qui était un véritable exploit. Ici, il n'était qu'un oiseau en cage et dont on avait coupé les ailes depuis bien longtemps, sous l'emprise d'on ne sait quel démon qui jubilait de le voir pâlir lorsqu'il se retrouvait face à un revenant.

Un dernier ajustement au niveau de la position de son costume, une main se glissant une énième fois dans ses cheveux, il hésita un instant à sortir. Dubitatif il finit par se dire qu'il se ruerait sur les quelques pauvres verres d'alcool et le chocolat sans même se fondre dans la masse tout en priant pour que sa "chère" petite revenante reste loin de toute l'agitation, il n'était pas d'humeur à la voir rôder dans les parages, ni même de danser un slow avec une jeune donzelle pour la rendre dingue. Il se contenterait de trainer les pieds, la mâchoire crispée avec un sourire hypocrite à quiconque lui adresserait la parole.

Il enfila à peine un masque de loup pour dire de faire un effort minimum et peu original au niveau du costume et finit par fermer la porte de sa chambre, devenue son domicile depuis bien trop de jours, avec soin pour descendre dans la salle de balle en laissant échapper un long soupir las. Certes, à cause de son statut social, il avait été habitué à ce genre de cérémonies dans lesquelles on devait le trainer depuis sa plus tendre enfance, mais de là à s'y rendre avec plaisir... Les mains dans les poches, il franchit le pas fatidique, se dirigeant instantanément vers une serveuse pour prendre un verre beaucoup trop alcoolisé. Il restait sur ses gardes, persuadé que la soirée allait plus que probablement être longue vu cet étrange pré-sentiment qui lui titillait les entrailles.

J'étais une des premières, le verre à la main, à attendre que les autres arrivent. Je regardais autour de moi, à la recherche de la tête colorée que j'aimais tant, ou encore d'Aloysius. J'étais sûr qu'il viendrait. Il était toujours là pour voir de quelle manière se déroulaient les choses. La tête tournée vers l'entrée, j'apercevais alors ma meilleure amie, deux couettes sur la tête, sa petite robe, ses petits souliers rouges. Toujours à l'ouest celle là. Je m'apprêtais à m'avancer vers elle lorsque je la perdis de vue. Je fronçais les sourcils et remarquais alors qu'elle avait percuté le grand méchant loup. Elle allait devoir attendre pour être sauvée, moi, j'avais soif. Je me dirigeais donc vers le bar et attrapais un nouveau verre de... de Vin tiens. Laissons la vodka et la whisky de côté, et soyons raffiné. J'y trempais mes lèvres et recrachais automatiquement : ce n'était pas du vin.
Dégoûtée, je posais le verre, essuyais ma bouche et m'apprêtais à aller rejoindre Primrose lorsque j'entendis une petite voix derrière moi. Ashleigh se trouvait là, ses joues roses et son air innocent, déguisée en petite sorcière. Je souriais, elle était adorable. « Salut Sabrina! Ne bois pas ça. » Ajoutais-je d'un air grave. Il fallait partir à la recherche de chose à manger. Le dinosaure que j'étais avait la dalle (du moins, avait envie de se mettre un truc sous la dent, les fantômes n'ont pas la dalle). Je me mis donc à parcourir le banquet lançais à Ashleigh : « Tu aurais du emmener ta mère, elle aurait été traumatisé et ne serait plus jamais sortie de sa chambre. » Les bals, les soirées, les barbecues. Qu'importe ce qu'organisait Mary Fitzgerald, les choses se passaient toujours mal. Je levais alors les yeux et remarquais Aloysius qui venait d'entrer. Il se dirigea vers Dracula, un grand dadet discret que je n'avais jamais remarqué. Je fronçais les sourcils, et reportais mon attention sur Ashleigh.

La salle se remplissait. Ashleigh m'avait rejoint, déguisée en une jolie petite sorcière. Elle sourit à la référence de "Sabrina" et dit en riant qu'il lui manquait un chat. Elle avait raison. Elle s'apprêtait à boire un soda qui ressemblait à du coca lorsque je l'arrêtai. Elle était vivante, elle risquait de mourir. Pas moi. Je pris son verre et l'apportai à mes narines. Ce n'était pas du coca. Je fronçais les sourcils et avançais le long du bar, Ashleigh sur mes talons. Je l'écoutais parler. Elle était trop naïve, elle vivait dans un autre monde et ne se rendait pas compte de ce qui se passait ici. Mes yeux rencontrèrent le sol et un regard triste s'empara de mon visage. Je me tournais vers Ashleigh et répondis: « Merci pour le costume, c'est un vieux truc que je dois avoir dans mes affaires depuis des années.» Je marquais une pause avant de reprendre: « Ouvres les yeux Ashleigh. Regarde autour de nous. Les gens sont inquiets. Ce bal est un piège. Je m'y rends pour protéger des gens comme toi. Un soirée ici, c'est comme un recrutement. Vous partez par masse, et les anciens vous "accueillent". » J'attendais que les choses commencent. Que le sang coule. Je restai à proximité de ma meilleure amie. Je voulais la protéger. Je m'apprêtai à rejoindre Prim en compagnie d'Ashleigh lorsque cette dernière m'attira vers un Indien. Psymon. « On se connaît. J'aime bien ton costume. Ca cache un peu ta tronche. » J'affichais un grand sourire provocateur et balayai la salle du regard. J'attendais.

La salle est remplie. Tout le monde s’amuse et il y a une certaine gaieté qui règne dans la pièce. Pour une fois dans l’hôtel, ce n’est pas la terreur, le dégout ou encore la jalousie qui sont maître mais bien un semblant de bonheur. Pour laisser une si grande béatitude prendre place chez elle, il fallait qu’elle ait une idée derrière la tête. Une idée des plus morbides. Ainsi, alors que tout le monde commençait à prendre ses marques dans la chaleur du bal, ce qui semblait être un individu est arrivé. Personne ne l’avait vu au premier abord et ça ne lui avait pas beaucoup plus. D’une main, il a donc attrapé le buffet et l’a renversé. La musique s’était donc arrêtée et tous les regards s’étaient tournés vers lui. Une tête de lapin au pelage sal et couvert de quelques taches de sang, une blessure au ventre qui laissait entrevoir des asticots cherchant un autre bout de chair à manger, un œil percé ne permettant que de découvrir un trou noir d’où dégouline une trainée de sang. Ce lapin - si on peu le nommer ainsi – avait souri lorsque l’attention s’était posée sur lui. Sur le sol, gisait les restes de nourriture de la soirée. Enfin, encore aurait-il fallu que les yeux, boyaux et autres organes vitaux et insectes qui étaient tombés du repas, puissent être appelés de la nourriture. Ainsi, tout le monde venait de découvrir avec une horreur immense l’atrocité qu’ils venaient de manger.

Spoiler:

En quoi il s'est fringué? En... En... On va dire en rien. Il s'est contenté d'enfiler ses platrusques les plus excentriques. C'est coloré, c'est long, c'est pendant, c'est beau, ça lui plait. Il s'y rend de cette manière, sans craindre l'horreur. Jim ne croit qu'en ce qu'il ne voit pas. C'est le principe de croire, non?


Et à son arrivée... L'ambiance annonce déjà la couleur. Il y a une gamine qui s'amuse dans son costume de dinosaure. Un autre avec un masque de loup qui cache... sans doute un autre loup. Et un hippie ! Jimmy adoooore les hippies. [...] En fait non, c'est un indien. Jim ne l'adore plus. Bah. Amusons-nous, que diable ! Mais pas une seule fois on ne le voit s'arrêter devant quelqu'un pour parloter. Il s'approche du buffet. Hmm hm. Quelles drôles d'effluves de rouille. Il penche ses narines au dessus des plats: pas bon, pas bon. Mais pas le temps de s'attarder plus de temps sur la qualité grossière de cette immondice: le lapin éclopé de Pâques fiche toute sa scène en l'air après une entrée foudroyante: la bouffe s'écrase par terre en un bruit dégoûtant. Tout le monde baisse les yeux. Et se paralyse sous la terrible découverte. Ils ont ingurgité des tripes et des globes, des choses affreuses. Comment ça? Ils n'ont rien remarqué. Celui qui s'occupe du glaçage est un véritable petit chenapan. Un sourire étire ses lèvres, balayant la surprise. C'est en effet une surprise.

-Dis-moi que tu n'as rien avalé de tel, mon frère? Hein, dis-le moi.

Jim ne regardait pas son interlocuteur. Il aurait tout aussi bien pu s'agir du lapin.

Tout était allé si vite. Alors qu'Alo m'avait rejoint pour faire la conversation, un drôle de bruit nous tira de notre conversation. Je me tournais alors et remarquais un lapin dont la fourrure blanche était salie de terre, et d'un liquide rouge qui me rappelait du sang. Quel était le malade qui avait eut l'idée d'enfiler ce costume ? Mon cœur se mit à battre à la chamade. Il me rappelait le lapin de Donnie Darko. Mais le pire n'était pas son aspect misérable et abîmé. Le pire était la suite. Son apparition n'était rien. Le drôle bruit était celui de sa chute qui avait alors entraîné la dispersion de la nourriture. « De la nourriture », cette nourriture qui se composait de boyaux, de sang, de chair. Des restes des cadavres qui reposaient – du moins c'est que l'on voulait nous faire croire – au sous-sol. Et si, parmi tous les morceaux de corps qui se trouvaient là, se trouvaient aussi ceux d'Emily. Sans réfléchir, et surtout sans m'en rendre compte, je m'étais dirigé vers le buffet afin de voir de plus près. En me retournant, mon meilleur ami avait disparu. Je devais retrouver Aloysius. J'avais besoin qu'il me dise quelle était cette farce. Pourquoi sa grand-mère prenait-elle les corps de nos amis, de notre famille pour terrifier les clients ? Où était le chocolat, la bonne humeur ? Pourquoi voulait-elle choquer les quelques enfants qui s'étaient habillés en petit lapin et qui s'étaient rués sur le buffet pour se remplir l'estomac de bonbons et de soda ? Cette femme était un monstre.