ROSE DAVIS ✝celebrity skin.

♫ Celebrity Skin

Pour comprendre comment je me suis retrouvée seule dans ce bar, à une heure aussi indécente, il faut remonter un peu dans le temps. Le jour de la rencontre de mes parents. Ils faisaient chacun partie d'un groupe montant de la scène californienne. Mon père était le batteur d'un groupe de grunge. Ma mère ? Une chanteuse survoltée et décomplexée. Une vraie riot grrrl quoi ! Les parents idéals pour une fan de rock comme moi. Enfin, ça c'est ce que vous pensez. Mais la réalité est un peu différente, beaucoup moins parfaite. Et, surtout, légèrement plus alcoolisée et explosée. Mes parents étaient constamment à l'ouest, irresponsables et incapables d'élever leurs deux petites filles. Ils ont dû se battre pour ne pas perdre la garde de leurs deux enfants chéris. Alors ils ont décidés de mettre de côté leur carrière respective pendant un certain temps pour pouvoir se consacrer à leur petite famille. Sage décision n'est-ce pas ? Mais cela n'a pas empêché le fait que je portais leur nom de famille, Davis, et que j'allais être associée à leurs frasques pour le reste de ma vie. Je suis la fille de deux drogués et alcooliques incapables de se contrôler ? Ok, c'est parfait. Imitant mes parents, je me suis mise à la guitare électrique, à l'alcool et aux drogues. Certains voient dans mon comportement le signe révélateur d'un manque d'attention ou de je ne sais quelles autres conneries. Ça, c'est le psychologue de la famille qui le dit. Moi je pense simplement que j'ai le droit de profiter de la vie comme tout le monde. Alors j'emmerde mes parents, j'emmerde ma parfaite grande-soeur et je fais ce que je veux de ma putain de vie. Si j'ai envie de m'enfermer des jours entiers dans ma chambre pour lire et écouter de la musique, je le fais. Si j'ai envie de me casser de cette cage dorée qu'est ma maison pour aller faire la fête deux jours d'affilées chez des potes, je le fais. Cela fait déjà plusieurs années que je me comporte ainsi et mes parents n'ont jamais vraiment réagi. Elle fume à 14 ans ? C'est l'adolescence. Elle prend de la drogue à 17 ans ? Un manque d'attention, c'est sûr. Elle sèche la fac un jour sur deux à ses 20 ans ? C'est une phase, ça va lui passer. De toute façon, même si mes vieux voulaient m'interdire de faire ce que je veux, je ne sais pas très bien comment ils s'y prendraient. Toutes leurs tentatives ont été des échecs jusqu'à présent.

Where did you sleep last night? ♫

Retour à la case départ, retour chez moi. Je traverse le jardin jusqu'à l'entrée principale. Je sors la clé et ouvre la porte sans me soucier du bruit que je fais. Très vite, je sens mes membres se détendre et se réchauffer. J'enlève mes bottes et les balance par terre. J'entends du bruit dans le salon, comme des chuchotements mais je n'y prête pas attention. Je me dirige jusqu'aux escaliers qui mènent au seul endroit où j'ai envie de me trouver : ma chambre. « Rosie, tu pourrais venir nous rejoindre au salon ? » C'est la voix de ma mère qui provient du salon. Elle n'a pas l'air en colère mais je sens qu'il y a du sérieux dans sa voix. Et je n'aime pas vraiment ça. Je redescends lentement les quelques marches et traverse le couloir jusqu'au salon. Je ne peux m'empêcher d'ouvrir grand les yeux face à la scène qui s'offre à moi. Mon père, ma mère et ma soeur sont tous les trois assis dans le grand canapé en cuir, face à moi, un putain d'air sérieux collé au visage. « C'est pas mon anniversaire à ce que je sache... » Voilà le seul truc que j'arrive à sortir sans m'énerver.

Putain pourquoi est-ce qu'on ne peut pas fumer dans ces stupides avions ? Et il va durer encore combien de temps ce vol ? Je soupire et viens coller mon front contre le hublot. J'ai comme un noeud dans le ventre. Je ne suis pas vraiment énervée, plutôt déçue en fait. Je pensais que mes parents étaient plus responsables que ça en fait, je les croyais plus inventifs, plus intelligents. Mais en fait, le seul truc qu'ils aient trouvé pour se débarrasser de moi, c'est m'envoyer dans un hôtel moisi de Londres, « dans le but de me changer un peu les idées », selon eux. Conneries. Ce n'est pas parce que je ne suis pas chez moi que je vais changer hein. J'ai toujours ma guitare, mes livres et mes vinyles et je compte bien profiter de mon petit séjour dans cet hôtel pour m'amuser. Je regarde le ciel s'éteindre à l'infini, j'observe les formes irrégulières des nuages et je serre fort les poings. Non, je ne suis pas en colère.